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ACTE CINQUIÈME


Tableau 10

Tableau 11


DIXIÈME TABLEAU

LE ROYAUME DE L'AVENIR

Les salles immenses du Palais d'Azur, où attendent les enfants qui vont naître.—Infinies perspectives de colonnes de saphir soutenant des voûtes de turquoise. Tout ici, depuis la lumière et les dalles de lapis-lazuli jusqu'aux pulvérulences du fond où se perdent les derniers arceaux, jusqu'aux moindres objets, est d'un bleu irréel, intense, féerique. Seuls les chapiteaux et les socles des colonnes, les clefs de voûte, quelques sièges quelques bancs circulaires sont de marbre blanc ou d'albâtre.—A droite, entre les colonnes, de grandes portes opalines. Ces portes, dont le Temps, vers la fin de la scène, écartera les battants, s'ouvrent sur la Vie actuelle et les quais de l'Aurore. Partout, peuplant harmonieusement la salle, une foule d'enfants vêtus de longues robes azurées.—Les uns jouent, d'autres se promènent, d'autres causent ou songent; beaucoup sont endormis, beaucoup aussi travaillent, entre les colonnades, aux inventions futures; et leurs outils, leurs instruments, les appareils qu'ils construisent, les plantes, les fleurs et les fruits qu'ils cultivent ou qu'ils cueillent sont du même bleu surnaturel et lumineux que l'atmosphère générale du Palais.—Parmi les enfants, revêtues d'un azur plus pâle et plus diaphane, passent et repassent quelques figures de haute taille, d'une beauté souveraine et silencieuse, qui paraissent être des anges.



[Entrent à gauche, comme à la dérobée, en se glissant parmi les colonnes du premier plan, Tyltyl, Mytyl et la Lumière. Leur arrivée provoque un certain mouvement parmi les Enfants-Bleus qui bientôt accourent de toutes parts et se groupent autour des insolites visiteurs qu'ils contemplent avec curiosité.]

MYTYL

Où est le Sucre, la Chatte et le bon Pain?...

LA LUMIÈRE

Ils ne peuvent pas entrer ici; ils connaîtraient l'Avenir et n'obéiraient plus....

TYLTYL

Et le Chien?...

LA LUMIÈRE

Il n'est pas bon, non plus, qu'il sache ce qui l'attend dans la suite des siècles.... Je les ai emprisonnés dans les souterrains de l'église....

TYLTYL

Où sommes-nous?...

LA LUMIÈRE

Nous sommes dans le Royaume de l'Avenir, au milieu des enfants qui ne sont pas encore nés. Puisque le Diamant nous permet de voir clair en cette région que les Hommes n'aperçoivent pas, nous y trouverons fort probablement l'Oiseau-Bleu....

TYLTYL

Bien sûr que l'Oiseau sera bleu, puisque tout y est bleu.... [Regardant tout autour de soi.] Dieu que c'est beau tout ça!...

LA LUMIÈRE

Regarde les enfants qui accourent....

TYLTYL

Est-ce qu'ils sont fâchés?...

LA LUMIÈRE

Pas du tout.... Tu vois bien, ils sourient, mais ils sont étonnés....

LES ENFANTS-BLEUS, [accourant de plus en plus nombreux.]

Des petits Vivants.... Venez voir les petits Vivants!...

TYLTYL

Pourquoi qu'ils nous appellent «les petits Vivants»?...

LA LUMIÈRE

Parce qu'eux, ils ne vivent pas encore....

TYLTYL

Qu'est-ce qu'ils font alors?...

LA LUMIÈRE

Ils attendent l'heure de leur naissance....

TYLTYL

L'heure de leur naissance?...

LA LUMIÈRE

Oui; c'est d'ici que viennent tous les enfants qui naissent sur notre Terre. Chacun attend son jour.... Quand les Pères et les Mères désirent des enfants, on ouvre les grandes portes que tu vois là, à droite; et les petits descendent....

TYLTYL

Y en a-t-il! Y en a-t-il!...

LA LUMIÈRE

Il y en a bien davantage.... On ne les voit pas tous.... Pense donc, il en faut de quoi peupler la fin des temps.... Personne ne saurait les compter....

TYLTYL

Et ces grandes personnes bleues, qu'est-ce que c'est?...

LA LUMIÈRE

On ne sait plus au juste.... On croit que ce sont des gardiennes.... On dit qu'elles viendront sur Terre après les Hommes.... Mais il n'est pas permis de les interroger....

TYLTYL

Pourquoi?

LA LUMIÈRE

Parce que c'est le secret de la Terre....

TYLTYL

Et les autres, les petits, on peut leur parler?...

LA LUMIÈRE

Bien sûr, il faut faire connaissance.... Tiens, en voilà un plus curieux que les autres.... Approche-toi, parle-lui....

TYLTYL

Qu'est-ce qu'il faut lui dire?...

LA LUMIÈRE

Ce que tu voudras, comme à un petit camarade....

TYLTYL

Est-ce qu'on peut lui donner la main?

LA LUMIÈRE

Évidemment, il ne te fera pas de mal.... Mais voyons, n'aie donc pas l'air si emprunté.... Je vais vous laisser seuls, vous serez plus à l'aise entre vous.... J'ai d'ailleurs à causer avec la Grande-personne Bleue....

TYLTYL, [s'approchant de l'Enfant-Bleu et lui tendant la main.]

Bonjour!... [Touchant du doigt la robe bleue de l'Enfant.] Qu'est-ce que c'est que ça?

L'ENFANT, [touchant gravement du doigt le chapeau de Tyltyl.]

Et ça?...

TYLTYL

Ça?... C'est mon chapeau.... Tu n'as pas de chapeau?...

L'ENFANT

Non; pourquoi c'est faire?...

TYLTYL

C'est pour dire bonjour.... Et puis, pour quand fait froid....

L'ENFANT

Qu'est-ce que c'est faire froid?...

TYLTYL

Quand on tremble comme ça: brrr! brrr!... qu'on souffle dans ses mains et qu'on fait aller les bras comme ceci....

[Il se brasse vigoureusement.]

L'ENFANT

Il fait froid sur la Terre?...

TYLTYL

Mais oui, des fois, l'hiver, quand on n'a pas de feu....

L'ENFANT

Pourquoi qu'on n'en a pas?...

TYLTYL

Parce que ça coûte cher et qu'il faut de l'argent pour acheter du bois....

L'ENFANT

Quoi que c'est de l'argent?

TYLTYL

C'est avec quoi l'on paie....

L'ENFANT

Ah!...

TYLTYL

Il y en a qui en ont, d'autres qui n'en ont point....

L'ENFANT

Pourquoi?...

TYLTYL

C'est qu'ils ne sont pas riches.... Est-ce que tu es riche?... Quel âge as-tu?...

L'ENFANT

Je vais naître bientôt.... Je naîtrai dans douze ans.... Est-ce que c'est bon, naître?...

TYLTYL

Oh oui!... C'est amusant!...

L'ENFANT

Comment que tu as fait?...

TYLTYL

Je ne me rappelle plus.... Il y a si longtemps!...

L'ENFANT

On dit que c'est si beau, la Terre et les Vivants!...

TYLTYL

Mais oui, ce n'est pas mal.... Il y a des oiseaux, des gâteaux, des jouets.... Quelques-uns les ont tous; mais ceux qui n'en ont pas peuvent regarder les autres....

L'ENFANT

On nous dit que les mères attendent à la porte.... Elles sont bonnes, est-ce vrai?...

TYLTYL

Oh oui!... Elles sont meilleures que tout ce qu'il y a!... Les bonnes-mamans aussi; mais elles meurent trop vite....

L'ENFANT

Elles meurent?... Qu'est-ce que c'est ça?...

TYLTYL

Elles s'en vont un soir, et ne reviennent plus....

L'ENFANT

Pourquoi?...

TYLTYL

Est-ce qu'on sait?... Peut-être qu'elles sont tristes....

L'ENFANT

Elle est partie, la tienne?...

TYLTYL

Ma bonne-maman?...

L'ENFANT

Ta maman ou ta bonne-maman, est-ce que je sais, moi?...

TYLTYL

Ah! mais, ça n'est pas la même chose!... Les bonnes-mamans s'en vont d'abord; c'est déjà assez triste.... La mienne était très bonne....

L'ENFANT

Qu'est-ce qu'ils ont, tes yeux?... Est-ce qu'ils font des perles?...

TYLTYL

Mais non; c'est pas des perles....

L'ENFANT Qu'est-ce que c'est alors?...

TYLTYL

C'est rien, c'est tout ce bleu qui m'éblouit un peu....

L'ENFANT

Comment que ça s'appelle?...

TYLTYL

Quoi?...

L'ENFANT

Là, ce qui tombe?...

TYLTYL

C'est rien, c'est un peu d'eau....

L'ENFANT

Est-ce qu'elle sort des yeux?...

TYLTYL

Oui, des fois, quand on pleure....

L'ENFANT

Qu'est-ce que c'est pleurer?

TYLTYL

Moi, je n'ai pas pleuré; c'est la faute à ce bleu.... Mais si j'avais pleuré ce serait la même chose....

L'ENFANT

Est-ce qu'on pleure souvent?...

TYLTYL

Pas les petits garçons, mais les petites filles.... On ne pleure pas ici?...

L'ENFANT

Mais non, je ne sais pas....

TYLTYL

Eh bien, tu apprendras.... Avec quoi que tu joues, ces grandes ailes bleues?...

L'ENFANT

Ça?... C'est pour l'invention que je ferai sur Terre....

TYLTYL

Quelle invention?... Tu as donc inventé quelque chose?...

L'ENFANT

Mais oui, tu ne sais pas?... Quand je serai sur Terre, il faudra que j'invente la Chose qui rend Heureux....

TYLTYL

Est-elle bonne à manger?... Est-ce qu'elle fait du bruit?...

L'ENFANT

Mais non, on n'entend rien....

TYLTYL

C'est dommage....

L'ENFANT

J'y travaille chaque jour.... Elle est presque achevée.... Veux-tu voir?...

TYLTYL

Bien sûr.... Où donc est-elle?...

L'ENFANT

Là, on la voit d'ici, entre ces deux colonnes...?

UN AUTRE ENFANT-BLEU, [s'approchant de Tyltyl et le tirant par la manche.]

Veux-tu voir la mienne, dis?...

TYLTYL

Mais quoi, qu'est-ce que c'est?...

DEUXIÈME ENFANT

Les trente-trois remèdes pour prolonger la vie.... Là, dans ces flacons bleus....

TROISIÈME ENFANT, [sortant de la foule.]

Moi, j'apporte une lumière que personne ne connaît!... [Il s'illumine tout entier d'une flamme extraordinaire.] C'est assez curieux, pas?...

QUATRIÈME ENFANT, [tirant Tyltyl par le bras.]

Viens donc voir ma machine qui vole dans les airs comme un oiseau sans ailes!...

CINQUIÈME ENFANT

Non, non; d'abord la mienne qui trouve les trésors qui se cachent dans la lune!...

[Les Enfants-Bleus s'empressent autour de Tyltyl et de Mytyl en criant tous ensemble: «Non, non, viens voir la mienne!... Non, la mienne est plus belle!... La mienne est étonnante!... La mienne est tout en sucre!... La sienne n'est pas curieuse.... il m'en a pris l'idée!..., etc.». Parmi ces exclamations désordonnées, on entraîne les petits Vivants du côté des ateliers bleus; et là, chacun des inventeurs met en mouvement sa machine idéale. C'est un tournoiement céruléen de roues, de disques, de volants, d'engrenages, de poulies, de courroies, d'objets étranges et encore innommés qu'enveloppent les bleuâtres vapeurs de l'irréel. Une foule d'appareils bizarres et mystérieux s'élancent et planent sous les voûtes, ou rampent au pied des colonnes, taudis que des enfants déroulent des cartes et des plans, ouvrent des livres, découvrent des statues azurées, apportent d'énormes fleurs, de gigantesques fruits qui semblent formés de saphirs et de turquoises.]

UN PETIT ENFANT-BLEU, [courbé sous le poids de colossales pâquerettes d'azur.]

Regardez donc mes fleurs!...3

TYLTYL

Qu'est-ce que c'est?... Je ne les connais pas....

LE PETIT ENFANT-BLEU

Ce sont des pâquerettes!...

TYLTYL

Pas possible!... Elles sont grandes comme des roues....

LE PETIT ENFANT-BLEU

Et ce qu'elles sentent bon!...

TYLTYL, [les humant.]

Prodigieux!...

LE PETIT ENFANT-BLEU

Elles seront comme ça quand je serai sur Terre....

TYLTYL

Quand donc?...

LE PETIT ENFANT-BLEU

Dans cinquante-trois ans, quatre mois et neuf jours....

[Arrivent deux Enfants-Bleus qui portent comme un lustre, pendue à une perche, une invraisemblable grappe de raisins dont les baies sont plus grosses que des poires.]

L'UN DES ENFANTS QUI PORTENT LA GRAPPE

Que dis-tu de mes fruits?...

TYLTYL

Une grappe de poires!...

L'ENFANT

Mais non, c'est des raisins!... Ils seront tous ainsi, lorsque j'aurai trente ans.... J'ai trouvé le moyen....

UN AUTRE ENFANT, [écrasé sous une corbeille de pommes bleues grosses comme des melons.]

Et moi!... Voyez mes pommes!...

TYLTYL

Mais ce sont des melons!...

L'ENFANT

Mais non!... Ce sont mes pommes, et les moins belles encore!... Toutes seront de même quand je serai vivant.... J'ai trouvé le système!...

UN AUTRE ENFANT, [apportant sur une brouette bleue des melons bleus plus gros que des citrouilles.]

Et mes petits melons?...

TYLTYL

Mais ce sont des citrouilles!...

L'ENFANT AUX MELONS

Quand je viendrai sur terre, les melons seront fiers!... Je serai le jardinier du Roi des neuf Planètes....

TYLTYL

Le Roi des neuf Planètes?... Où est-il?...

LE ROI DES NEUF PLANÈTES, [s'avançant fièrement. Il semble avoir quatre ans et peut à grand'peine se tenir debout sur ses petites jambes torses.]

Le voici!

TYLTYL

Eh bien! tu n'es pas grand....

LE ROI DES NEUF PLANÈTES, [grave et sentencieux.]

Ce que je ferai sera grand.

TYLTYL

Qu'est-ce que tu feras?

LE ROI DES NEUF PLANÈTES

Je fonderai la Confédération générale des Planètes solaires.

TYLTYL, [interloqué.]

Ah, vraiment?

LE ROI DE NEUF PLANÈTES

Toutes en feront partie, excepté Saturne, Uranus et Neptune qui sont à des distances exagérées et incommensurables.

[Il se retire avec dignité.]

TYLTYL

Il est intéressant....

UN ENFANT-BLEU

Et vois-tu celui-là?

TYLTYL

Lequel?

L'ENFANT

Là, le petit qui dort au pied de la colonne....

TYLTYL

Eh bien?

L'ENFANT

Il apportera la joie pure sur le Globe..

TYLTYL

Comment?...

L'ENFANT

Par des idées qu'on n'a pas encore eues....

TYLTYL

Et l'autre, le petit gros qui a les doigts dans le nez, qu'est-ce qu'il fera, lui?...

L'ENFANT

Il doit trouver le feu pour réchauffer la Terre quand le Soleil sera plus pâle....

TYLTYL

Et les deux qui se tiennent par la main et s'embrassent tout le temps: est-ce qu'ils sont frère et sœur?...

L'ENFANT

Mais non, ils sont très drôles.... Ce sont les Amoureux....

TYLTYL

Qu'est-ce que c'est?...

L'ENFANT

Je ne sais pas.... C'est le Temps qui les appelle ainsi pour s'en moquer.... Ils se regardent tout le jour dans les yeux, ils s'embrassent et se disent adieu....

TYLTYL

Pourquoi?

L'ENFANT

Il paraît qu'ils ne pourront pas partir ensemble....

TYLTYL

Et le petit tout rose, qui semble si sérieux et qui suce son pouce, qu'est-ce que c'est?...

L'ENFANT

Il paraît qu'il doit effacer l'Injustice sur la Terre....

TYLTYL

Ah?...

L'ENFANT

On dit que c'est un travail effrayant....

TYLTYL

Et le petit rousseau qui marche comme s'il n'y voyait pas. Est-ce qu'il est aveugle?...

L'ENFANT

Pas encore; mais il le deviendra.... Regarde-le bien; il paraît qu'il doit vaincre la Mort....

TYLTYL

Qu'est-ce que ça veut dire?...

L'ENFANT

Je ne sais pas au juste; mais on dit que c'est grand....

TYLTYL, [montrant une foule d'enfants endormis au pied des colonnes, sur les marches, les bancs, etc.]

Et tous ceux-là qui dorment,—comme il y en a qui dorment!—est-ce qu'ils ne font rien?...

L'ENFANT

Ils pensent à quelque chose....

TYLTYL

A quoi?...

L'ENFANT

Ils ne le savent pas encore; mais ils doivent apporter quelque chose sur la Terre; il est défendu de sortir les mains vides....

TYLTYL

Qui est-ce qui le défend?...

L'ENFANT

C'est le Temps qui se tient à la porte.... Tu verras quand il ouvrira.... Il est bien embêtant....

UN ENFANT, [accourant du fond de la salle, en fendant la foule.]

Bonjour, Tyltyl!...

TYLTYL

Tiens!... Comment sait-il mon nom?...

L'ENFANT, [qui vient d'accourir et qui embrasse Tyltyl et Mytyl avec effusion.]

Bonjour!... Ça va bien?...—Voyons, embrasse-moi, et toi aussi, Mytyl.... Ce n'est pas étonnant que je sache ton nom, puisque je serai ton frère.... On vient seulement de me dire que tu es là.... J'étais tout au bout de la salle, en train d'emballer mes idées....—Dis à maman que je suis prêt....

TYLTYL

Comment?... Tu comptes venir chez nous?

L'ENFANT

Bien sûr, l'année prochaine, le dimanche des Rameaux.... Ne me tourmente pas trop quand je serai petit.... Je suis bien content de vous avoir embrassés d'avance....—Dis à Papa qu'il répare le berceau....—Est-ce qu'on est bien chez nous?...

TYLTYL

Mais on n'y est pas mal.... Et Maman est si bonne!...

L'ENFANT

Et la nourriture?...

TYLTYL

Ça dépend.... Il y a même des jours où l'on a des gâteaux, n'est-il pas vrai, Mytyl?...

MYTYL

Au Nouvel An et le Quatorze Juillet.... C'est maman qui les fait....

TYLTYL

Qu'as-tu là, dans ce sac?... Tu nous apportes quelque chose?...

L'ENFANT, [très fièrement.]

J'apporte trois maladies: la fièvre scarlatine, la coqueluche et la rougeole....

TYLTYL

Eh bien, si c'est tout ça!... Et après, que feras-tu?...

L'ENFANT

Après?... Je m'en irai....

TYLTYL

Ce sera bien la peine de venir!...

L'ENFANT

Est-ce qu'on a le choix?...

[A ce moment, on entend s'élever et se répandre une sorte de vibration prolongée, puissante et cristalline qui semble émaner des colonnes et des portes d'opale que touche une lumière plus vive.]

TYLTYL

Qu'est-ce que c'est?...

UN ENFANT

C'est le Temps!... Il va ouvrir les portes!...

[Aussitôt, un vaste remous se propage dans la foule des Enfants-Bleus. La plupart quittent leurs machines et leurs travaux, de nombreux dormeurs s'éveillent, et les uns comme les autres tournent les yeux vers les portes d'opale et se rapprochent de celles-ci.]

LA LUMIÈRE [rejoignant Tyltyl.]

Tâchons de nous dissimuler derrière les colonnes.... Il ne faut pas que le Temps nous découvre....

TYLTYL

D'où vient ce bruit?...

UN ENFANT

C'est l'Aurore qui se lève.... C'est l'heure où les enfants qui naîtront aujourd'hui vont descendre sur Terre....

TYLTYL

Comment qu'ils descendront?... Il y a des échelles?...

L'ENFANT

Tu vas voir.... Le Temps tire les verrous....

TYLTYL

Qu'est-ce que c'est le Temps?...

L'ENFANT

C'est un vieil homme qui vient appeler ceux qui partent....

TYLTYL

Est-ce qu'il est méchant?...

L'ENFANT

Non, mais il n'entend rien.... On a beau supplier, quand ce n'est pas leur tour, il repousse tous ceux qui voudraient s'en aller....

TYLTYL

Est-ce qu'ils sont heureux de partir?

L'ENFANT

On n'est pas content quand on reste; mais on est triste quand on s'en va.... Là! Là!... Voilà qu'il ouvre!...

[Les grandes portes opalines roulent lentement sur leurs gonds. On entend, comme une musique lointaine, les rumeurs de la Terre. Une clarté rouge et verte pénètre dans la salle: et le Temps, haut vieillard à la barbe flottante, armé de sa faux et de son sablier, paraît sur le seuil, tandis qu'on aperçoit l'extrémité des voiles blanches et dorées d'une galère amarrée à une sorte de quai que forment les vapeurs roses de l'Aurore.]

LE TEMPS, [sur le seuil.]

Ceux dont l'heure est sonnée sont-ils prêts?...

DES ENFANTS-BLEUS, [fendant la roule et accourant de toutes parts.]

Nous voici!... Nous voici!... Nous voici!...

LE TEMPS, [d'une voix bourrue, aux enfants qui défilent devant lui pour sortir.]

Un à un!... Il s'en présente encore beaucoup plus qu'il n'en faut!... C'est toujours la même chose!... On ne me trompe pas!... [Repoussant un enfant.] Ce n'est pas ton tour!... Rentre, c'est pour demain.... Toi non plus, rentre donc et reviens dans dix ans.... Un treizième berger?... Il n'en fallait que douze; on n'en a plus besoin, nous ne sommes plus au temps de Théocrite ou de Virgile.... Encore des médecins?... Il y en a déjà trop; on s'en plaint sur la Terre.... Et les ingénieurs, où sont-ils?... On veut un honnête homme, un seul, comme phénomène.... Où donc est l'honnête homme?... C'est toi?... [L'enfant fait signe que oui.] Tu m'as l'air bien chétif.... tu ne vivras pas longtemps!... Holà, vous autres, là, pas si vite!... Et toi, qu'apportes-tu?... Rien du tout? les mains vides?... Alors on ne passe pas.... Prépare quelque chose, un grand crime, si tu veux, ou une maladie, moi, cela m'est égal.... mais il faut quelque chose.... [Avisant un petit que d'autres poussent en avant et qui résiste de toutes ses forces.] Eh bien, toi, qu'as-tu donc?... Tu sais bien que c'est l'heure.... On demande un héros qui combatte l'Injustice; c'est toi, il faut partir....

LES ENFANTS-BLEUS

Il ne veut pas, monsieur....

LE TEMPS

Comment?... Il ne veut pas?... Où donc se croit-il, ce petit avorton?... Pas de réclamations, nous n'avons pas le temps....

LE PETIT, [que l'on pousse.]

Non, non!... Je ne veux pas!... J'aime mieux ne pas naître!... J'aime mieux rester ici!...

LE TEMPS

Il ne s'agit pas de ça.... Quand c'est l'heure, c'est l'heure!... Allons, vite, en avant!...

UN ENFANT, [s'avançant.]

Oh! laissez-moi passer!... J'irai prendre sa place!... On dit que mes parents sont vieux et m'attendent depuis si longtemps!...

LE TEMPS

Pas de ça.... L'heure est l'heure et le temps est le temps.... On n'en finirait pas si l'on vous écoutait.... L'un veut, l'autre refuse, c'est trop tôt, c'est trop tard.... [Écartant des enfants qui ont envahi le seuil.] Pas si près, les petits.... Arrière les curieux.... Ceux qui ne partent pas n'ont rien à voir dehors.... Maintenant vous avez hâte; puis, votre tour venu, vous aurez peur et vous reculerez.... Tenez, en voilà quatre qui tremblent comme des feuilles.... [A un enfant qui, sur le point de franchir le seuil, rentre brusquement.] Eh bien, quoi?... Qu'as-tu donc?...

L'ENFANT

J'ai oublié la boîte qui contient les deux crimes que je devrai commettre....

UN AUTRE ENFANT

Et moi le petit pot qui renferme l'idée pour éclairer les foules....

TROISIÈME ENFANT

J'ai oublié la greffe de ma plus belle poire!...

LE TEMPS

Courez vite les chercher!... Il ne nous reste plus que six cent douze secondes.... La galère de l'Aurore bat déjà des voiles pour montrer qu'elle attend.... Vous arriverez trop tard et vous ne naîtrez plus.... Allons, vite, embarquons!... [Saisissant un enfant qui veut lui passer entre les jambes pour gagner le quai.] Ah! toi, non, par exemple!... C'est la troisième fois que tu essayes de naître avant ton tour.... Que je ne t'y prenne plus, sinon ce sera l'attente éternelle près de ma sœur l'Éternité; et tu sais qu'on ne s'y amuse pas.... Mais voyons, sommes-nous prêts?... Tout le monde est à son poste?... [Parcourant du regard les enfants réunis sur le quai ou déjà assis dans la galère.] Il en manque encore un.... Il a beau se cacher, je le vois dans la foule.... On ne me trompe pas.... Allons, toi, le petit qu'on appelle l'Amoureux, dis adieu à ta belle....

[Les deux petits qu'on appelle «les Amoureux», tendrement enlacés et le visage livide de désespoir, s'avancent vers le Temps et s'agenouillent à ses pieds.]

PREMIER ENFANT

Monsieur le Temps, laissez-moi partir avec lui!...

DEUXIÈME ENFANT

Monsieur le Temps, laissez-moi rester avec elle!...

LE TEMPS

Impossible!... Il ne nous reste plus que trois cent quatre-vingt-quatorze secondes..

PREMIER ENFANT

J'aime mieux ne pas naître!...

LE TEMPS

On n'a pas le choix....

DEUXIÈME ENFANT, [suppliant.]

Monsieur le Temps, j'arriverai trop tard!...

PREMIER ENFANT

Je ne serai plus là quand elle descendra!...

DEUXIÈME ENFANT

Je ne le verrai plus!...

PREMIER ENFANT

Nous serons seuls au monde!...

LE TEMPS

Tout ça ne me regarde pas.... Réclamez auprès de la Vie.... Moi, j'unis, je sépare, selon ce qu'on m'a dit.... [Saisissant l'un des enfants.] Viens!...

PREMIER ENFANT, se débattant.

Non, non, non!... Elle aussi!...

DEUXIÈME ENFANT, [s'accrochant aux vêtements du premier.]

Laissez-le!.... Laissez-le!...

LE TEMPS

Mais voyons, ce n'est pas pour mourir, c'est pour vivre!... [Entraînant le premier enfant.] Viens!...

DEUXIÈME ENFANT, [tendant éperdument les bras vers l'enfant qu'on enlève.]

Un signe!... Un seul signe!... Dis-moi, comment te retrouver!...

PREMIER ENFANT

Je t'aimerai toujours!...

DEUXIÈME ENFANT

Je serai la plus triste!... Tu me reconnaîtras!...

[Elle tombe et reste étendue sur le sol.]

LE TEMPS

Vous feriez beaucoup mieux d'espérer.... Et maintenant, c'est tout.... [Consultant son sablier.] Il ne nous reste plus que soixante-trois secondes....

[Derniers et violents remous parmi les enfants qui partent et qui demeurent.—On échange des adieux précipités: «Adieu, Pierre!... Adieu Jean....—As-tu tout ce qu'il faut?... Annonce ma pensée!...—N'as-tu rien oublié?...—Tâche de me reconnaître!...—Je te retrouverai!...—Ne perds pas tes idées?...—Ne te penche pas trop sur l'Espace!...—Donne-moi de tes nouvelles!...—On dit qu'on ne peut pas!...—Si, si!... essaie toujours!...—Tâche de dire si c'est beau!... —J'irai à ta rencontre!...—Je naîtrai sur un trône!...», etc., etc.]

LE TEMPS, [agitant ses clefs et sa faux.]

Assez! assez!... L'ancre est levée!...

Les voiles de la galère passent et disparaissent. Ou entend s'éloigner les cris des enfants dans la galère: «Terre!... terre!... Je la vois!... Elle est belle!... Elle est claire!... Elle est grande!...». Puis, comme sortant du fond de l'abîme, un chant extrêmement lointain d'allégresse et d'attente.

TYLTYL, [à la Lumière.]

Qu'est-ce?... Ce n'est pas eux qui chantent.... On dirait d'autres voix....

LA LUMIÈRE

Oui, c'est le chant des Mères qui viennent à leur rencontre...

[Cependant, le Temps referme les portes opalines. Il se retourne pour jeter un dernier regard dans la salle, et soudain aperçoit Tyltyl, Mytyl et la Lumière.]

LE TEMPS, [stupéfait et furieux.]

Qu'est-ce que c'est?... Que faites-vous ici?... Qui êtes-vous?... Pourquoi n'êtes-vous pas bleus?... Par où êtes-vous entrés?...

[Il s'avance en les menaçant de sa faux.]

LA LUMIÈRE, [à Tyltyl.]

Ne réponds pas!... J'ai l'Oiseau-Bleu.... Il est caché sous ma mante.... Sauvons-nous.... Tourne le Diamant, il perdra notre trace....

[Ils s'esquivent à gauche, entre les colonnes du premier plan.]

RIDEAU



ONZIÈME TABLEAU

L'ADIEU

La scène représente un mur percé d'une petite porte. C'est la pointe du jour.



[Entrent: Tyltyl, Mytyl, la Lumière, le Pain, le Sucre, le Feu et le Lait.]

LA LUMIÈRE

Tu ne devinerais jamais où nous sommes....

TYLTYL

Bien sûr que non, la Lumière, puisque je ne sais pas....

LA LUMIÈRE

Tu ne reconnais pas ce mur et cette petite porte?...

TYLTYL

C'est un mur rouge et une petite porte verte....

LA LUMIÈRE

Et ça ne te rappelle rien?...

TYLTYL

Ça me rappelle que le Temps nous a mis à la porte....

LA LUMIÈRE

Qu'on est bizarre quand on rêve.... On ne reconnaît pas sa propre main....

TYLTYL

Qui est-ce qui rêve?... Est-ce moi?...

LA LUMIÈRE

C'est peut-être moi.... Qu'en sait-on?... En attendant, ce mur entoure une maison que tu as vue plus d'une fois depuis ta naissance....

TYLTYL

Une maison que j'ai vue plus d'une fois?

LA LUMIÈRE

Mais oui, petit endormi!... C'est la maison que nous avons quittée un soir, il y a tout juste, jour pour jour, une année....

TYLTYL

Il y a tout juste une année?... Mais alors?...

LA LUMIÈRE

N'ouvre pas des yeux comme des grottes de saphir.... C'est elle, c'est la bonne maison des parents....

TYLTYL, [s'approchant de la porte.]

Mais je crois.... En effet.... Il me semble.... Cette petite porte.... Je reconnais la chevillette.... Ils sont là?... Nous sommes près de Maman?... Je veux entrer tout de suite.... Je veux l'embrasser tout de suite!...

LA LUMIÈRE

Un instant.... Ils dorment profondément; il ne faut pas les réveiller en sursaut.... Du reste, la porte ne s'ouvrira que lorsque l'heure sonnera....

TYLTYL

Quelle heure?... Il y a longtemps à attendre?...

LA LUMIÈRE

Hélas, non!... quelques pauvres minutes....

TYLTYL

Tu n'es pas heureuse de rentrer?... Qu'as-tu donc, la Lumière?... Tu es pâle, on dirait que tu es malade..

LA LUMIÈRE

Ce n'est rien, mon enfant.... Je me sens un peu triste, parce que je vais vous quitter....

TYLTYL

Nous quitter?...

LA LUMIÈRE

Il le faut.... Je n'ai plus rien à faire ici; l'année est révolue, la Fée va revenir et te demander l'Oiseau-Bleu....

TYLTYL

Mais c'est que je ne l'ai pas, l'Oiseau-Bleu!... Celui du Souvenir est devenu tout noir, celui de l'Avenir est devenu tout rouge, ceux de la Nuit sont morts et je n'ai pas pu prendre celui de la Forêt.... Est-ce ma faute à moi s'ils changent de couleur, s'ils meurent ou s'ils s'échappent?... Est-ce que la Fée sera fâchée, et qu'est-ce qu'elle dira?...

LA LUMIÈRE

Nous avons fait ce que nous avons pu.... Il faut croire qu'il n'existe pas, l'Oiseau-Bleu; ou qu'il change de couleur lorsqu'on le met en cage....

TYLTYL

Où est-elle, la cage?...

LE PAIN

Ici, maître.... Elle fut confiée à mes soins diligents durant ce long et périlleux voyage; aujourd'hui que ma mission prend fin, je vous la restitue, intacte et bien fermée, telle que je la reçus.... [Comme un orateur qui prend la parole.] Maintenant, au nom de tous, qu'il me soit permis d'ajouter quelques mots....

LE FEU

Il n'a pas la parole!...

L'EAU

Silence!...

LE PAIX

Les interruptions malveillantes d'un ennemi méprisable, d'un rival envieux.... [Élevant la voix.] ne m'empêcheront pas d'accomplir mon devoir jusqu'au bout.... C'est donc au nom de tous....

LE FEU

Pas au mien.... J'ai une langue!...

LE PAIX

C'est donc au nom de tous, et avec une émotion contenue mais sincère et profonde, que je prends congé de deux enfants prédestinés, dont la haute mission se termine aujourd'hui. En leur disant adieu avec toute l'affliction et toute la tendresse qu'une mutuelle estime..

TYLTYL

Comment?... Tu dis adieu?... Tu nous quittes donc aussi?...

LE PAIN

Hélas! il le faut bien.... Je vous quitte, il est vrai; mais la séparation ne sera qu'apparente, vous ne m'entendrez plus parler....

LE FEU

Ce ne sera pas malheureux!...

L'EAU

Silence!...

LE PAIN, [très digne.]

Cela ne m'atteint point.... Je disais donc: vous ne m'entendrez plus, vous ne me verrez plus sous ma forme animée.... Vos yeux vont se fermer à la vie invisible des choses; mais je serai toujours là, dans la huche, sur la planche, sur la table, à côté de la soupe, moi qui suis, j'ose le dire, le plus fidèle commensal et le plus vieil ami de l'Homme....

LE FEU

Eh bien, et moi?...

LA LUMIÈRE

Voyons, les minutes passent, l'heure est près de sonner qui va nous faire rentrer dans le silence.... Hâtez-vous d'embrasser les enfants....

LE FEU, [se précipitant.]

Moi d'abord, d'abord moi!... [Il embrasse violemment les enfants.] Adieu, Tyltyl et Mytyl!... Adieu, mes chers petits.... Souvenez-vous de moi si jamais vous avez besoin de quelqu'un pour mettre le Feu quelque part....

MYTYL

Aïe! aïe!... Il me brûle!...

TYLTYL

Aïe! aïe! Il me roussit le nez!.....

LA LUMIÈRE

Voyons, le Feu, modérez un peu vos transports.... Vous n'avez pas affaire à votre cheminée....

L'EAU

Quel idiot!...

LE PAIN

Est-il mal élevé!...

L'EAU, [s'approchant des enfants.]

Je vous embrasserai sans vous faire de mal, tendrement, mes enfants....

LE FEU

Prenez garde, ça mouille!...

L'EAU

Je suis aimante et douce; je suis bonne aux humains....

LE FEU

Et les noyés?...

L'EAU

Aimez bien les Fontaines, écoutez les Ruisseaux.... Je serai toujours là....

LE FEU

Elle a tout inondé!...

L'EAU

Quand vous vous assiérez, le soir, au bord des Sources,—il y en a plus d'une ici, dans la forêt,—essayez de comprendre ce qu'elles essaient de dire.... Je ne peux plus.... Les larmes me suffoquent et m'empêchent de parler....

LE FEU

Il n'y paraît point!...

L'EAU

Souvenez-vous de moi lorsque vous verrez la carafe.... Vous me trouverez également dans le broc, dans l'arrosoir, dans la citerne et dans le robinet....

LE SUCRE, [naturellement papelard et doucereux.]

S'il reste une petite place, dans votre souvenir, rappelez-vous que parfois ma présence vous fut douce.... Je ne puis vous en dire davantage.... Les larmes sont contraires à mon tempérament, et me font bien du mal quand elles tombent sur mes pieds....

LE PAIN

Jésuite!...

LE FEU, [glapissant.]

Sucre d'orge! berlingots! caramels!...

TYLTYL

Mais où donc sont passés Tylette et Tylô?... Que font-ils?...

[Au même moment, on entend des cris aigus poussés par la Chatte.]

MYTYL, [alarmée.]

C'est Tylette qui pleure!... On lui fait du mal!...

[Entre en courant la Chatte, hérissée, dépeignée, les vêtements déchirés, et tenant son mouchoir sur la joue, comme si elle avait mal aux dents. Elle pousse des gémissements courroucés et est serrée de très près par le Chien qui l'accable de coups de tête, de coups de poing et de coups de pied.]

LE CHIEN, [battant la Chatte.]

Là!... En as-tu assez?... En veux-tu encore?... Là! là! là!...

LA LUMIÈRE, TYLTYL et MYTYL, [se précipitant pour les séparer.]

Tylô!... Es-tu fou?... Par exemple!... A bas!... Veux-tu finir!... A-t-on jamais vu!... Attends! attends!...

[On les sépare énergiquement.]

LA LUMIÈRE

Qu'est-ce que c'est?... Que s'est-il passé?...

LA CHATTE, [pleurnichant et s'essuyant les yeux.]

C'est lui, madame la Lumière.... Il m'a dit des injures, il a mis des clous dans ma soupe, il m'a tiré la queue, il m'a roué de coups, et je n'avais rien fait, rien du tout, rien du tout!...

LE CHIEN, [l'imitant.]

Rien du tout, rien du tout!... [A mi-voix, lui faisant la nique.] C'est égal, t'en as eu, t'en as eu, et du bon, et t'en auras encore!...

MYTYL, [serrant la Chatte dans ses bras.]

Ma pauvre Tylette, dis-moi donc où c'est que t'as mal.... Je vais pleurer aussi!...

LA LUMIÈRE, [au Chien, sévèrement.]

Votre conduite est d'autant plus indigne que vous choisissez pour nous donner ce triste spectacle le moment, déjà assez pénible par lui-même, où nous allons nous séparer de ces pauvres enfants....

LE CHIEN, [subitement dégrisé.]

Nous séparer de ces pauvres enfants?...

LA LUMIÈRE

Oui, l'heure que vous savez va sonner.... Nous allons rentrer dans le Silence.... Nous ne pourrons plus leur parler....

LE CHIEN, [poussant tout à coup de véritables hurlements de désespoir et se jetant sur les enfants qu'il accable de caresses violentes et tumultueuses.]

Non, non!... Je ne veux pas!... Je ne veux pas!... Je parlerai toujours!... Tu me comprendras maintenant, n'est-ce pas, mon petit dieu?... Oui, oui, oui!.... Et l'on se dira tout, tout, tout!... Et je serai Lien sage.... Et j'apprendrai à lire, à écrire et à jouer aux dominos!... Et je serai toujours très propre.... Et je ne volerai plus rien dans la cuisine.... Veux-tu que je fasse quelque chose d'étonnant?... Veux-tu que j'embrasse la Chatte?...

MYTYL, [à la Chatte.]

Et toi, Tylette?... Tu n'as rien à nous dire.

LA CHATTE, [pincée, énigmatique.]

Je vous aime tous deux, autant que vous le méritez....

LA LUMIÈRE

Maintenant, qu'à mon tour, mes enfants, je vous donne le dernier baiser....

TYLTYL et MYTYL, [s'accrochant à la robe de la Lumière.]

Non, non, non, la Lumière!... Reste ici, avec nous!... Papa ne dira rien.... Nous dirons à Maman que tu as été bonne....

LA LUMIÈRE

Hélas! je ne peux pas.... Cette porte nous est fermée et je dois vous quitter...

TYLTYL

Où iras-tu toute seule?

LA LUMIÈRE

Pas bien loin, mes enfants; là-bas, dans le pays du Silence des choses..

TYLTYL

Non, non; je ne veux pas.... Nous irons avec toi.... Je dirai à Maman....

LA LUMIÈRE

Ne pleurez pas, mes chers petits.... Je n'ai pas de voix comme l'Eau; je n'ai que ma clarté que l'Homme n'entend point.... Mais je veille sur lui jusqu'à la fin des jours.... Rappelez-vous bien que c'est moi qui vous parle dans chaque rayon de lune qui s'épanche, dans chaque étoile qui sourit, dans chaque aurore qui se lève, dans chaque lampe qui s'allume, dans chaque pensée bonne et claire de votre âme.... [Huit heures sonnent derrière le mur.] Écoutez!... L'heure sonne.... Adieu!... La porte s'ouvre!... Entrez, entrez, entrez!...

[Elle pousse les enfants dans l'ouverture de la petite porte qui vient de s'entrebâiller et se referme sur eux.—Le Pain essuie une larme furtive, le Sucre, l'Eau, tout en pleurs, etc., fuient précipitamment et disparaissent à droite et à gauche, dans la coulisse. Hurlements du Chien à la cantonade. La scène reste vide un instant, puis le décor figurant le mur de la petite porte s'ouvre par le milieu, pour découvrir le dernier tableau.]

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Фрэнсис Бэкон

Без чтения нет настоящего образования, нет и не может быть ни вкуса, ни слова, ни многосторонней шири понимания; Гёте и Шекспир равняются целому университету. Чтением человек переживает века.
Александр Герцен



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