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Comment ! Dorante, voilà un repas tout à fait magnifique !
MONSIEUR JOURDAIN.Vous vous moquez, madame ; et je voudrois qu’il fût plus digne de vous être offert.
(Dorimène, monsieur Jourdain, Dorante et les trois musiciens se mettent à table.)
DORANTE.Monsieur Jourdain a raison, madame, de parler de la sorte ; et il m’oblige de vous faire si bien les honneurs de chez lui. Je demeure d’accord avec lui que le repas n’est pas digne de vous. Comme c’est moi qui l’ai ordonné, et que je n’ai pas sur cette matière les lumières de nos amis, vous n’avez pas ici un repas fort savant, et vous y trouverez des incongruités de bonne chère, et des barbarismes de bon goût. Si Damis, notre ami, s’en étoit mêlé, tout seroit dans les règles, il y auroit partout de l’élégance et de l’érudition, et il ne manqueroit pas de vous exagérer lui-même toutes les pièces du repas qu’il vous donneroit, et de vous faire tomber d’accord de sa haute capacité dans la science des bons morceaux, de vous parler d’un pain de rive, longue comme cela, blanche, délicate, et qui, sous les dents, est une vraie pâte d’amande ; de perdrix relevées d’un fumet surprenant ; et, pour son opéra, d’une soupe à bouillon perlé, soutenue d’un jeune gros dindon cantonné de pigeonneaux, et couronnée d’oignons blancs mariés avec la chicorée. Mais, pour moi, je vous avoue mon ignorance ; et, comme monsieur Jourdain a fort bien dit, je voudrois que le repas fût plus digne de vous être offert.
DORIMÈNE.Je ne réponds à ce compliment qu’en mangeant comme je fais.
MONSIEUR JOURDAIN.Ah ! que voilà de belles mains !
DORIMÈNE.Les mains sont médiocres, monsieur Jourdain ; mais vous voulez parler du diamant, qui est fort beau.
MONSIEUR JOURDAIN.Moi, madame ? Dieu me garde d’en vouloir parler ! ce ne seroit pas agir en galant homme ; et le diamant est fort peu de chose.
DORIMÈNE.Vous êtes bien dégouté.
MONSIEUR JOURDAIN.Vous avez trop de bonté…
DORANTE, après avoir fait un signe à monsieur Jourdain.Allons, qu’on donne du vin à monsieur Jourdain et à ces messieurs, qui nous feront la grace de nous chanter[40] quelque air à boire.
DORIMÈNE.C’est merveilleusement assaisonner la bonne chère, que d’y mêler la musique ; et je me vois ici admirablement régalée.
MONSIEUR JOURDAIN.Madame, ce n’est pas…
DORANTE.Monsieur Jourdain, prêtons silence à ces messieurs ; ce qu’ils nous feront entendre vaudra mieux que tout ce que nous pourrions dire[41].
PREMIER ET SECOND MUSICIEN ENSEMBLE, un verre à la main.
Un petit doigt, Philis, pour commencer le tour :
Ah ! qu’un verre en vos mains a d’agréables charmes !
Vous et le vin vous vous prêtez des armes,
Et je sens pour tous deux redoubler mon amour :
Entre lui, vous et moi, jurons, jurons, ma belle,
Une ardeur éternelle.
Qu’en mouillant votre bouche il en reçoit d’attraits !
Et que l’on voit par lui votre bouche embellie !
Ah ! l’un de l’autre ils me donnent envie,
Et de vous et de lui je m’enivre à longs traits.
Entre lui, vous et moi, jurons, jurons, ma belle,
Une ardeur éternelle.
Buvons, chers amis, buvons !
Le temps qui fuit nous y convie :
Profitons de la vie
Autant que nous pouvons.
Quand on a passé l’onde noire,
Adieu, le bon vin, nos amours.
Dépêchons-nous de boire ;
On ne boit pas toujours.
Laissons raisonner les sots
Sur le vrai bonheur de la vie ;
Notre philosophie
Le met parmi les pots.
Les biens, le savoir et la gloire,
N’ôtent point les soucis fâcheux ;
Et ce n’est qu’à bien boire
Que l’on peut être heureux.
Sus, sus ; du vin partout : versez, garçon, versez.
Versez, versez toujours, tant qu’on vous dise, Assez.
Je ne crois pas qu’on puisse mieux chanter ; et cela est tout à fait beau.
MONSIEUR JOURDAIN.Je vois encore ici, madame, quelque chose de plus beau.
DORIMÈNE.Ouais ! monsieur Jourdain est galant plus que je ne pensois.
DORANTE.Comment, madame ! pour qui prenez-vous monsieur Jourdain ?
MONSIEUR JOURDAIN.Je voudrois bien qu’elle me prît pour ce que je dirois.
DORIMÈNE.Encore ?
DORANTE, à Dorimène.Vous ne le connoissez pas.
MONSIEUR JOURDAIN.Elle me connoîtra quand il lui plaira.
DORIMÈNE.Oh ! je le quitte.
DORANTE.Il est homme qui a toujours la riposte en main. Mais vous ne voyez pas que monsieur Jourdain, madame, mange tous les morceaux que vous touchez.
DORIMÈNE.Monsieur Jourdain est un homme qui me ravit.
MONSIEUR JOURDAIN.Si je pouvois ravir votre cœur, je serois…
Acte 4, Scène 1. Le Bourgeois gentilhomme, Moliere.
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Фрэнсис Бэкон
Без чтения нет настоящего образования, нет и не может быть ни вкуса, ни слова, ни многосторонней шири понимания; Гёте и Шекспир равняются целому университету. Чтением человек переживает века.
Александр Герцен